Gilles Duceppe et les croqueurs de mamelles


Dans sa chronique publiée cette semaine, Gilles Duceppe, bon catholique québécois, se paie une sévère critique envers sa mère l’Église. S’il est généralement bien vu, au Québec, de mordre le sein qui nous a allaités, il nous est impossible, dans ce cas-ci, de passer sous silence quelques erreurs de monsieur Duceppe.

Rappelons d’abord que Gilles Duceppe déchirait sa chemise suite à la sortie du cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’État du Vatican. C’est que le prélat a osé aller contre la bien-pensance mondialisée : il a exprimé sa déception suite au référendum irlandais sur le « mariage » homosexuel.

Sur ce point, on s’avoue un tantinet étonné de la réaction du chroniqueur : comment un démocrate comme lui peut-il se plaindre qu’un homme refuse le consensus idéologique?

« Hypocrisie et effronterie »

L’ancien chef du Bloc québécois s’indigne ensuite que « le Vatican a refusé de reconnaitre le nouvel ambassadeur de la France au Vatican, Laurent Stefanini, en raison de son orientation sexuelle. »

Mais à quoi bon s’encombrer d’analyses complexes lorsqu’on veut démontrer que, du haut de notre sagesse, on a compris des affaires que l’Église, lente et quelque peu attardée, peine à saisir?

S’il était bien informé, Duceppe nuancerait un peu ses propos, éviterait les raccourcis pernicieux et se retiendrait légèrement de taxer le Vatican de complot homophobe. L’affaire est un peu plus compliquée que ce que les médias québécois ont daigné rapporter.

Mais à quoi bon s’encombrer d’analyses complexes lorsqu’on veut démontrer que, du haut de notre sagesse, on a compris des affaires que l’Église, lente et quelque peu attardée, peine à saisir?

Il poursuit : « Voilà deux exemples qui démontrent clairement que les dirigeants du Vatican, donc de l’Église catholique, sont non seulement dépassés, mais font également preuve d’hypocrisie et d’effronterie ».

Pour l’accusation d’hypocrisie, à ce que je sache, l’Église n’a jamais caché sa position sur la question. Je l’invite d’ailleurs à s’y replonger, question de revisiter ses propres aprioris. Pour l’effronterie, les socles argumentaires de l’affirmation à l’emporte-pièce me paraissent précaires, voire friables. On reste sur notre faim.

La nature des mots

Pardonnez les longues citations, mais je ne voudrais vous priver du spectacle de si beaux sophismes. Ainsi, le chroniqueur y va d’une réflexion jusque-là jamais vue (ou presque) dans la sphère médiatique québécoise: « Lors du débat sur le mariage « gai » un des arguments des prélats canadiens était de considérer que ce type d’union était « contre-nature ». J’avais alors dit à un de leurs représentants que bien que la très grande majorité des espèces avait des relations hétérosexuelles, il y avait dans la nature des animaux qui avaient des relations homosexuelles et que la seule chose qui n’existait pas dans la nature et qui était donc « contre-nature » c’était l’abstinence! »

Le voilà donc qui élève l’homme au niveau de la grâce de l’escargot.

Le voilà donc qui élève l’homme au niveau de la grâce de l’escargot. Vous aurez compris le subterfuge : dans un tour de passepasse que seule une plume habile comme Duceppe peut réaliser, il confond le lecteur en laissant entendre que la nature (lire essence) de l’homme, c’est de prendre pour modèle les autres créatures de la nature (lire environnement).

On l’excusera. Il est vrai que les deux mots sonnent de manière identique à l’oreille. Mais ils réfèrent, faut-il vraiment le souligner, à des concepts franchement différents. Pas de doute que l’évêque alors apostrophé a eu la gentillesse de lui expliquer poliment la distinction.

Peut-être l’avait-il seulement oubliée au moment d’écrire son papier…

Sur l’abstinence… intellectuelle

Justement, ce qui distingue l’humain des bêtes, c’est sa capacité à s’élever, par la raison et la volonté, au-dessus des réflexes et des instincts. L’abstinence sexuelle a donc quelque chose de particulièrement humain, n’en déplaise aux disciples de Kinsey.

Ceci dit, je me demande sérieusement si monsieur Duceppe réalise la gravité de ses propos lorsqu’il déclare que « l’homosexualité, ce n’est pas un choix, c’est une réalité présente dans la nature ».

Moi qui, tout ce temps, croyais que les lobbys LGBT réclamaient le droit à l’autodétermination, le droit au choix, le droit à la liberté de vivre la sexualité comme bon nous semble! Selon toute vraisemblance – ou selon Gilles Duceppe –, j’étais dans l’erreur jusqu’au cou.

Tenez-vous-le pour dit : pour monsieur Duceppe, il semble que l’homosexualité doit désormais être considérée comme un destin immuable.

Voilà qui risque de compliquer les prochaines revendications inscrites sur les pancartes lors du Défilé de la fierté.

Antoine Malenfant

Animateur de l’émission On n’est pas du monde et directeur des contenus, Antoine Malenfant est au Verbe médias depuis 2013. Diplômé en sociologie et en langues modernes, il carbure aux rencontres fortuites, aux affrontements idéologiques et aux récits bien ficelés.